Lorsque le Belge Vincent Kenis a rapporté du Congo le disque extraordinaire de Konono n°1, groupe bricolant l’électrification des instruments de la tradition, on n’imaginait pas que ce son-là atterrirait dans une chanson produite par Timbaland, producteur de Justin Timberlake ou Snoop Dogg. Pourtant on entend les likembés électriques de Konono n°1 dans Earth Intruders, la chanson d’ouverture de Volta, septième album studio de Björk, paru cette semaine (chez Universal).
Le casting de ce disque est significatif, avec Min Xiao-Fen au luth pipa, Toumani Diabaté à la kora, les fidèles Mark Bell ou Damian Taylor derrière les manettes, Timbaland comme stagiaire en outrance… La surprise est surtout dans la puissance de feu de Volta : la folie de la pochette et les costumes cinglés que Björk arbore, les clameurs de “turmoil ! carnage !” dès les premières secondes, l’ampleur cinématographique de l’orchestre à vents ou des bruitages de port entendus çà et là, la puissance des rythmiques. Une fois de plus, la révolution. Depuis Debut, son premier album, en 1993, on a pris l’habitude de guetter les sauts que Björk impose aux musiques populaires, comme ces dompteurs des contes qui savent aussi bien domestiquer le loup féroce que faire danser le boeuf paresseux d’une étable de hasard.
Une radicalité intimidante
Ses disques ont une pente parfois raide, une radicalité parfois intimidante, mais ses concerts entrent immédiatement dans la légende, de la Sainte-Chapelle de Paris aux arènes de Nîmes, comme des célébrations d’un panthéisme électrique, aussi cérébral que sensuel. On prendra donc Declare Independence, une de ses nouvelles chansons, comme le plus clair des manifestes de sa carrière : “Raise your flag higher, higher/Declare independence” (“Brandit ton drapeau plus haut, plus haut ; déclare l’indépendance”). L’indépendance chantée sur une tournerie frénétique et fiévreuse, une électronique saturée environnant la scansion de ce mantra païen. La plus étourdissante liberté de notre époque.
Source : Le Figaro